17 oct. 2012

Les représentations

C'est dans le même ordre d'idée que se déploient les films de David Lynch.
Le réel est toujours le lieu simultané d'un commentaire et d'un commenté. C'est ce qui rend difficile la réponse à la question "quelle partie du film est un commentaire sur quelle autre partie ?" car l'idée d'une reconstruction stable des strates est impossible. Elle est même hors-sujet. L'une ne cause pas l'autre ; l'une et l'autre se causent. Chaque strate se vit simultanément. En ce sens, elles ne sont pas même des variantes, sauf si on est prêt à envisager qu'elles sont en effet toutes des variantes mais qu'une telle chose qu'un modèle, vis à vis duquel elles varieraient, n'a jamais existé.
C'est sans doute ce qui a intéressé Lynch dans la saga de Frank Herbert, Dune.
Dune présente un personnage capable de voir précisément et à très long terme toutes les conséquences de ses décisions et toutes les alternatives possibles. C'est à dire qu'il doit fournir un commentaire constant sur l'Histoire, mais comme l'Histoire peut être déviée selon ses décisions, son commentaire ne peut finalement pas définir ce dont il est, exactement, le commentaire. Tout est à la fois destiné, via sa volonté, et hasardeux pour la même raison. Finalement, il décidera de produire un univers absolument dispersé et éclaté dans lequel il ne sera plus possible pour personne d'écrire une Histoire globale (ni de posséder un tel don que le sien). C'est à dire un univers irreprésentable.
La fameuse "vidéo de l'appartement" dans Lost Highway possède un tel statut : personne n'est à son origine. C'est à dire qu'elle n'est pas une représentation. Elle vit sur un autre niveau ontologique.