17 oct. 2012

Le lieu adéquat

Cet achèvement du réel par l'image connait au moins un lieu dans lequel il culmine : New York. Évidemment.
Tout l'attrait de cette ville sur les individus extérieurs qui la rencontrent tient à ce que New York colle exactement à l'image qu'ils s'en étaient fait. On se sent, à New York, exactement comme on s'était senti dans l'image de New York. En ce sens il est impossible de dire que New York fonctionne comme un décor ; à la limite, c'est plutôt le cinéma qui fonctionne comme un décor de New-York ; car New York est au contraire ce lieu du réel où l'image et la matière de l'image sont adéquates jusque dans le plus pervers des interstices.
Ce qui étonne l'individu dans sa rencontre avec New York c'est que New York ne soit pas, précisément, un décor d'où des images seraient extraites, mais soit l'image-même de New York. Alors ce qui est fascinant (car c'est vraiment fascinant, et dans un sens que j'aimerais réussir à prouver comme absolument positif), ce dont naît la surprise, ce n'est pas la découverte d'un fond aveugle à l'intérieur de la ville réelle, mais son absence ; le fait qu'on y trouve exactement ce qu'on s'attendait à y trouver. Il n'y a pas d'arrière-monde de New York – disons qu'il en a un tout de même, mais il tend à se réduire à chaque roman, à chaque photographie, à chaque film, et nulle part comme ailleurs cet arrière monde est aussi fin qu'ici.
Il n'y a pas d'arrière monde – il n'y a pas de chose cachée.
Ce qui n'a pas été vu de New York ne l'est pas en vertu d'une facette vicieuse du réel, au contraire, ce qui n'a pas été vue est "toujours disponible", il est seulement "pas encore été vu". Et c'est peut-être là que pourrait débuter l'extraction d'une positivité.